#7 Petit Déjeuner

9c7486cd1d5fbbc21dd2c7c126e68640

Nous ne sommes que deux ce matin. Le réveil, nous graciant d’une miséricorde dominicale, rougit de chiffres devant son être à demi dénudé. Les chiens du quartier, las d’abreuver les fêtards de leurs réprimandes, semblent pousser leur narcose tandis que j’ouvre un oeil.

Apaisée, calme et souriante, pas un seul spectre n’est venu profaner son long repos. La main posée sur le sein, comme à son habitude, elle m’avise de ses yeux coquins.

Le clocher entame sa ritournelle, il nous berce de son hymne quotidien. Immuable. Lui qui sait si bien nous agacer lorsque nous aspirons à une plus longue détente.  Je la couvre de baisers, à satiété, elle esquisse un sourire. Je n’en aurais jamais assez pour la couvrir de toute ma tendresse.

Il faut que parade cesse, et comme toutes les bonnes choses ont une faim : un bon petit déjeuner sur une table garnie. Promesse d’un brunch qui n’en est pas un, mais qui finira assurément comme tel.

Quatre à quatre, je m’empresse de délivrer le café de son écrin, il emplit la pièce. En une fragrance, je me retrouve dans une maison coloniale, mon hôte cubain me sert un coradito sur fond de montagne laiteuse.

Les confitures maison ornent la table, les viennoiseries se réconfortent dans le four et brûlent de se mêler au café. Trois petites oranges prennent leurs quartiers dans le pressoir, elle s’en régalera plus tard.

La voici qui descend, sourire aux lèvres. Ses yeux rieurs miroitent le serment d’une bonne journée. De ces moments si simples et rares à la fois, le temps s’arrête et nous jalouse. Elle et moi devant ce petit déjeuner.

#5 Fleurs

tour-de-londres-coquelicot-guerre-mondiale-1Une fleur, des fleurs, des milliers de fleurs… 888 246 exactement. Le nombre de victimes britanniques tombées pendant la première guerre mondiale. Ces coquelicots, nourris de terrains crayeux et de poussière de bombes, vinrent fleurir les champs de bataille durant la « der des ders ».  On les reverra bien plus tard accrochés au granit des terres de Flandres, vaste nécropole. La perfide albion, ayant fièrement payé de sa chair, mérite bien les champs de repos accordés à ses enfants.

Leurs descendants battent encore les allées des cimetières, croix des régiments pour horizon, fleurs de papier dans les mains des enfants en mémoire des ancètres qu’ils auraient aimé connaître.

Ils aimeraient savoir : Pourquoi avez-vous laissé faire ? Pourquoi y-êtes vous allés ? Comment avez vous trouvé la force, le courage ? Qui vous a poussé ?

J’aime à penser que si leurs âmes célestes pouvaient redescendre et répondre d’une seule voix, elle serait la suivante : « Pour vous… Pour vous nos enfants… Pour que vous puissiez marcher dans ces allées sereinement, en paix et que les fleurs ne soient plus jamais au bout de vos fusils »

tour-de-londres-coquelicot-guerre-mondiale-5

Sur une idée de Maud

Participants:

Anne-Laure T

A mots découverts

#4 Automne

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle… Telles sont mes premières pensées d’automne. L’école, les immenses platanes qui longeaient la grille du collège et fendaient le bitume de leurs racines interminables. Leurs feuilles éparpillées, glissantes, tapis de lumière ruisselants de pluie.

J’avais plus ou moins tenté la glissade en début de 6ème, histoire de marquer d’une belle gloriole mon entrée dans la cour des grands. Sans mérite, mon jean neuf détrempé, je m’en étais allé tout penaud rincé de rire moqueurs.

Le soleil du nord aussi rare que généreux, craquelait les feuilles de ses puissants rayons. A la récréation, nous saisissions l’aubaine à coups de pieds dans les amas près du préau. Quelques jours après, les tas étaient de nouveau là on ne sait comment… L’insouciance certainement.

Les marronniers de la place verte y balançaient leurs fruits au gré des rafales. Pour rien au monde je n’y laisserais ma voiture, jadis, je m’en foutais.

Le dimanche, le chocolat chaud et la tartine de 4 heures remplaçaient le lait grenadine et les biscuits secs. Les bûches réapparaissaient près de la cheminée et j’imaginais déjà, dans le coin du salon, le sapin brillant de ses chapelets électriques.

Sur une idée de :

Maud

D’autres histoires

Cenwen et son binôme

AnneLaureT

#3 Couleur

La couleur de ses yeux trahissait son regard, sérieux, sombre, presque ténébreux.

Ses iris, d’un bleu si profond qu’ils paraissaient irréels. Ils auraient pu être un produit d’années d’acharnement, de multiples expériences ayant repoussé le spectre chromatique jusqu’à un ultime retranchement. Cet éclat dans les yeux était juste improbable.

Pourtant elle se tenait bien là face à moi.

Son teint défiait fièrement la couleur des nuages, qui se detachaient du regard de saphir étoilé qu’elle m’adressait. Sa peau d’or semblait avoir subi le plus joli et le plus fin des brunissages.

A distance, je pouvais sentir, éprouver dans mon âme, ce parfum de lumière qui l’avait caressée des heures entières d’un voile gracieux. Des grains de sable brillaient sur elle comme de minuscules paillettes.

La lumière de l’astre n’avait pas épargné son sourire. Ses dents d’un blanc glacier flirtaient avec le corail de ses lèvres légèrement desséchées. Ses mèches blondes de quarteronne jouaient dans le vent. Encore humides elles se moquaient de l’air marin. J’aurais voulu les effleurer rien qu’un instant.

Bien que ses pieds fondaient dans le sable blanc, je pus deviner sa taille. Elle était grande, sportive, élancée. Une panthère noire, agile, prête à bondir au moindre bruissement. Son maillot blanc, au plus près du corps, flattait au mieux ses formes.

Plongé dans ses yeux, je n’avais vu qu’elle. Un halo de lumière et de contrastes que ses topazes dominaient. Je n’avais rien remarqué d’autre…

De serieux, sombre et mystérieux, ses yeux devinrent rieurs, malicieux et enchanteurs.

Elle ramassa la balle et rejoint son ami qu’elle embrassa tendrement.

Sur une idée de Maud

Autres Participants:

La pureté des mots

Petits mots petits riens

Anne-Laure T

Mamzelle Didi

#2 Musique (ma javanaise)

Puisque la musique est un sujet tellement vaste pour moi, et que je ne savais pas comment l’aborder, je vous dépose quelques titres parmi des centaines qui me tiennent à coeur.

« Enfant, tu m’as pris par la main pour un long voyage.

Imagine : New York, Rio, Alexandrie, Mexico…Je goutais tes scoubidous, ta salade de fruits, me méprenais sur les sucettes à l’anis. Plus tard, sous le ciel de Paris, j’ai connu ta valse d’Amélie.

Tu m’as emmené sur la lune, sur mars et à travers l’univers, j’ai touché des étoiles, volé au plus haut, où les anges peignent des images de Jésus.

Je t’ai chanté sous la pluie, dans le port d’Amsterdam, aux Champs Elysées. J’ai traversé ton été indien balayé de feuilles mortes. Nous sommes partis à Rome le temps d’un week-end. Tu étais belle si tu veux le savoir.

Tu m’as présenté Valérie, Georgia, Lucy (in the sky), Maria, Jude, la jolie Louise et tant d’autres. Daniéla aussi 😉 Tu m’as fait vivre de beaux romans, de belles histoires, un soleil dans ma vie.

Je suis parti là-bas, à Belle-Île, voir la mer, j’ai gravi les plus hautes montagnes, juste pour être avec toi. Mais toi, tu voulais revoir Syracuse.

A Saint-Germain, sur un banc public, auprès de mon arbre, tu m’as mis l’eau à la bouche. Nous avons parlé d’amour, nous n’étions qu’un (mais pas les mêmes), Les uns contre les autres, nous avons manié la langue de chez nous, l’amour divin. Ah la mauvaise réputation.

Au son de ta javanaise et j’ai failli pleurer comme un garçon, je sais ça ne se fait pas. Mais quand on n’a que l’amour et qu’on pourrait en mourir, chaque souffle résonne comme un hymne.

Les vieux, mon vieux, diraient qu’il n’y a pas d’amour heureux et qu’on ira tous au paradis. Si c’est ça la belle vie, j’aimerais partir avec toi. »

D’autres textes chez :

Maud

Petits mots, petits riens

Mamzelle Didi

La pureté des mots

Un mot une histoire

#1 Rentrée

#Marentrée

40 ans le changement, on change de vie, on change d’envies. Casanier et englué dans mon poste depuis tant d’années (14 pour être plus précis), j’avais mes petites habitudes de ma vieille vie : ma place de parking, mon fauteuil, ma fenêtre, ma salle de pause, ma clim, mon confort… La liste est bien plus longue, croyez-moi.

Tellement à ma place, que je ne m’y sentais plus vraiment, il faut dire qu’on m’a un peu aidé, certains en m’ouvrant les yeux, d’autres différemment. La machine a été lancée, j’ai cru un moment faire demi-tour, trop tard, la prise de poste sera pour le 1er septembre. Ce sera ma rentrée à moi. Je ne me souviens plus de ma dernière, la vraie, la scolaire.

Impatient, je suis allé fureter dans ces nouveaux lieux bien avant le jour J. Histoire de m’imprégner, d’être à l’aise et en confiance, que cette rentrée ne soit pas trop brutale. J’y ai rencontré mon institutrice, ici ils l’appellent « chef de groupe » ou « notre maman », c’est plutôt rassurant. C’est vrai qu’elle à l’air bien notre instit’, elle me semble très compétente, elle m’a offert un des meilleurs accueils. C’est toujours bien d’apprécier son instit’, loyal je tacherai d’être une plume plus qu’une enclume.

J’ai aussi vu mes nouveaux camarades, j’en connaissais certains, ils m’ont rassuré nous avons bu le café, partagé de bons moments. Trop de travail pour se prendre la tête.

Mon jour de rentrée, a été mouvementé : un gros dossier est tombé, il a fallu montrer que j’étais là. J’ai découvert beaucoup en une journée, appris de nombreuses choses. On m’a laissé poser une pierre, j’aime ça. Dans mon confort, je dispensais parfois, je n’apprenais plus rien aux autres mais rien des autres non plus. Le changement a été bénéfique voire salvateur.
Ma rentrée a été bien différente, un bol d’air frais à la montagne, un autre horizon, de nouvelles perspectives…


Les autres textes de rentrée sont chez Maud

un mot une histoire

La pureté des mots

Petits mots petits riens 

Mamzelle Didi